LA GRANDE E$CROQUERIE ELECTROCLA$H

(l'art du détournement leçon n°1)


Depuis 2002, l'électrocla$h est la hype électrounderground qui électrise les dance-floors. En attendant, un nouveau recyclage des sons des années 80, quelques conseils pour paraître in et faire la première page de Trax et les Inrocks réunis.

1 - Récupérez (achetez, empruntez ou volez, qu'importe) quelques albums de Kraftwerk, Visage, Soft Cell, New Order, Human League ou Gary Numan (ne pas oublier Télex : les Américains ne connaissent pas et vous deviendrez ainsi très rapidement les nouvelles stars de l'électroclash). Réservez quelques albums de disco italienne des années 80 pour les versions remixes de vos futurs "singles of the year", mais comme Afrika Bambaataa décollez les labels car on pourrait vous plagier.

2 - Récupérez (achetez, empruntez ou volez, qu'importe) un échantillonneur et un synthétiseur bon marché (un Yamaha QY-70, par exemple, les sons sont pourris mais l'électrocla$h est au-dessus de ça) et repiquez le maximum de sons dans les albums que vous venez d'acquérir (les séquences ne doivent pas être trop longues : il faut que le public reconnaissent les sons, mais pas les artistes originaux). Ajoutez des rythmes disco et une ligne de basse pas trop compliquée (1 octave suffira, mais n'abusez pas de la TB303, on risque de vous prendre pour un sale camé de teufeur).

3 - Récupérez (achetez, empruntez ou volez, qu'importe) un vocoder pour transformer votre abominable voix en un organe envoutant et tellement trop craquant (vous pourrez toujours dire que les Star académiciens ont des voix naturellement vocodorisées). A la limite, faites chanter une vieille pop-star sur une de vos compositions (The Droyds l'ont bien compris en travaillant avec l'ex-Bananarama/Shakespear Sister Siobhan Fahey). Contactez Nena, Mona Soyoc ou Siouxsie Sioux mais évitez définitivement Chantal Goya, sinon vous vous retrouverez à faire la tournée des tonus faluchards et le climax de votre carrière sera la fête étudiante de Boudu à Clermont-Ferrand.

4 - Récupérez (achetez, empruntez ou volez, qu'importe) un Commodore 64 (si possible en version marron, et non la version laiteuse des années 90). Ajoutez à vos morceaux quelques sons 8 bit. Au pire vous deviendrez culte dans la scène nerd, au mieux vous serez invités pour faire des démonstrations dans les rassemblements de demo-makers.

5 - Apprenez par coeur les dialogues du film-culte de Tsava Slukerlman Liquid Sky (1982). Désolé, mais connaître l'intégrale des dialogues des Bronzés ou du Père Noël est une ordure n'est d'aucun secours dans la scène électrocla$h.

6 - La partie la plus difficile est à venir : écrire des textes qui s'accomoderont à vos compositions binaires. Voici quelques mots-clefs indispensables (à combiner selon vos envies, n'oubliez pas de privilégier l'usage de l'anglais) : robots, robotron, droid, glamour, champagne, cognac, play, restart, game over, commute, limousine, cadillac, cars, porn, french kiss, silver screen, pills, superstar, electronize, dance, kiss, lipstick, alien, 1982, 1984, jet-set, shower, bathroom, sex, hardcore, hardcore et hardcore. Essayez des phrases au sens énigmatique du type : "Swallow my pix-L". mais n''abusez pas de certaines expressions sauf si vous désirez être étiqueté "electroclash hardeur" : fucking on the dancefloor, suck my dick, lick my ass, penetrate, fornicate, suck and let go, Bécassine it's my cousine. Un peu de français chanté avec un pitoyable accent anglais est un plus si vous visez les dance-floors londoniens (exemple : "Parlez-vous freezepop ?", sussurez "Voulez-vous coucher avec moi" est très kitsch, c'est parfait). L'allemand vous donnera un côté brutal et froid qui peut plaire à la mouvance electroclash S/M. Encore inédit, le russe et les langues slaves pourrait vous ouvrir les portes de la nouvelle Europe (surfez sur l'OSTalgie). Attention à ne pas trop innover (et tomber dans l'avant-garde, forcément impopulaire) : le turc ne sera à la mode que dans 20 ou 30 ans, ne faites donc pas plus d'un titre en usant de la langue ottomane (en bonus sur un cd-single par exemple) : celui-ci passera inaperçu aujourd'hui mais dans trente ans on pourrait le redécouvrir (à ce moment-là, il vous faudra tout de même contacter les médias et les major companies qui auront oublié jusqu'à l'existence de l'électrocla$h) : une nouvelle édition remixée par les futures stars de l'époque vous assurera une retraite dorée.

7 - Annoncez publiquement votre bisexualité (si vous êtes une femme, rouler un patin à Britney Spears ou Cristina Aguilera est une bonne idée mais désolé c'est déjà fait).

8 - Créez votre propre label (donnez-lui un nom issu d'un dictionnaire de robotique, de physiologie humaine ou de la plasturgie) et signez un contrat de distribution internationale avec une major (appelez Universal en leur disant que Sony est sur le point de vous signer pour 10 ans).

9 - Puisque vous êtes probablement incapable de jouer d'un véritable instrument, travaillez les installations vidéo/photos que vous projetterez en permanence au-dessus de la scène : personne ne remarquera que vos synthés ne sont pas branchés (on croira que vos laptops sont destinés à la production d'images). Vous réfugier derrière un mur aveuglant de stroboscopes est une mauvaise idée : vous risquez de passer pour un vieux groupe industriel tentant une reconversion. De même, il faut que l'on puisse voir votre visage (mais n'otez jamais vos lunettes noires en public et faites courir le bruit que vous avez une dégénérescence de la cornée qui risque de vous rendre aveugle d'un jour à l'autre - conseil de Michel Polnareff, supposé chanteur français depuis 30 ans). Surtout ne devenez jamais aveugle (la mouvance électro aveugle est squattée par Gilbert Montagné pour encore 15 ans, et une reconversion vintage n'est pas envisageable : vous ne serez jamais Ray Charles). N'oubliez pas que vos concerts sont avant tout des performances artistiques, la musique n'est là que pour supporter l'oeuvre d'art, n'hésitez pas à dire qu'elle est marginale, que vous faites ça en passant, mais que le fond de votre démarche trouve ses fondements dans le concept de défragmentation artistique de Berkolevitch (les journalistes des fashion music étant très imbus de leur personne, aucun n'osera avouer devant vous son ignorance : vos propos seront repris tels quels, et éventuellement surlignés. Les Modern Art School du monde entier s'arracheront bientôt vos conférences). Bien sûr, Jan Berkolevitch n'existe pas. Mais est-ce essentiel ?

10 - Trouvez un producteur reconnu (le contrat signé avec Universal vous permettra de le payer).

11 - Lorsque vous devez assurer des DJ-sets, programmez uniquement de la new-wave et du gothique des années 80-85 (Sisters of Mercy, Cure, Danse Society, ...). Votre esprit décalé ravira le dance-floor. Si vous n'avez jamais mixé, saoûlez-vous à la vodka avant de commencer, souriez niaisement en permanence (cela comblera les blancs entre les morceaux qui immanquablement attireront les regards sur vous) et de temps en temps gueulez "sex on the dancefloor" au micro. Ne vous étonnez pas s'il n'y a que des blondes qui dansent. Si on vous questionne sur les blancs répétés entre les morceaux, citez John Cage et dites que l'avenir de la dance music live se trouve dans ces moments de silence entre les morceaux, ces moments où le public angoisse, où il ne sait pas si la musique va revenir, où vous allez le délivrer en envoyant de nouveaux décibels. Précisez que DJ Cutkiller appartient au XXe siècle mais que vous, vous êtes le 3e millénaire.

12 - Quand un journaliste vous demande de vous positionner par rapport à la scène électroclash, insultez-le en lui disant que l'électroclash est un pur produit marketing des major companies et des journalistes. Rappelez que vous faites cette musique depuis plus de quinze ans. Sortez une vieille K7 à la bande déchirée de votre poche et dites "regarde : en 1989, j'avais sorti cet album "Some lipstick traces on the dancefloor", j'en ai vendu 100 seulement, le reste a été détruit, j'avais plus de 10 ans d'avance, ouais j'ai vraiment galéré, mais bon c'est souvent comme ça, le monde de la musique est cruel avec les artistes innovants"

Prenez donc exemple sur Soviet : "Electroclash doesn't exist in our vocabulary. I feel like it's a scene we've been lumped into where we don't really fit. We're a completely live band, which is something people don't really know how to react to when they see us perform. For that reason, I understand comparisons to groups like Ladytron, but we are not an electroclash group" ou sur XOXOXO : "Some people would like to pigeonhole us as a crappy electroclash group, but that is not at all what we are about. Electronic music has been a mainstay of pop culture since its introduction in the late 70s and it’s ridiculous to insinuate that this type of music is a fleeting trend."

13 - Avez-vous un nom de scène ? J'ai imaginé que oui. Dans le cas contraire, je vous déconseille les noms suivants (trop ringards) : Fischerspooner, Ladytron, A.R.E. Weapons, Crossover, Soviet, W.I.T., RivieraF, IvanaF, The Droyds, Siobhan Fahey, Mugatu, Celluloïde, Exotica, Dirty Sanchez, Miss Kittin, Felix Da Housecat, Electronicat, Shakedown, Lacquer, Peaches, XOXOXO, Jackie Beat, Punk Bunny Music, Le Tigre, Uphonic, Gater, Neon music, Freezepop, Kitbuilders, Jamie Summers, Proper Filthy Naughty, Bedroom productions, Future Wives, Capri, Barcelona, Morplay, Ex rental, Dead Sexy, Spalding rockwell, Somnabulants, Khan, Commodore Vic 2.

Je vous conseillerais davantage : Sofia-Antipolis, Y-files, Still Pregnant, Péché d'amour, Love Corp., Jealous Inc., Sweat sweat sweat, Encore une fois, Google Guggle, Arthur Martin love-vessel, Amigaddicts... il n'est pas interdit de choisir comme nom de groupe d'anciens titres de stars electroclash (Emerge, Playgirl, Commodore rock, Stimuli ...) mais dans ce cas vous serez étiqueté Electroclash 2nd génération (à vous de peser le pour et le contre).

 

PS : n'oubliez pas de me citer dans vos remerciements (c'est pour ma mère, ça lui fera plaisir).

playitwax@zik.mu

 

Freezepop "I'm not your gameboy"

6 double A batteries, and i'm good to go
700 milliamps, i'm here 2 rokk the show
6 double A batteries, to hear the music play
700 milliamps, gonna come your way

I don't have ms. pac-man
asteroids or donkey kong
don't look here for tetris
even supermario
don't ask me, i told you no

don't play with me
I am not your toy
oh cant you see
I am not your gameboy
don't mess with me
I am not your toy
just look at me
I am not your gameboy

Yamaha QY-70