Borghesia

Borghesia est l’un des précurseurs de la scène électro est-européenne et notamment en ex-Yougoslavie puisque le groupe s’est formé fin 1982 à Ljubljana, capitale de la Slovénie. Le groupe se compose au départ d’Aldo Ivancic et Dario Seraval pour qui ce n’est que le side-project d’une troupe de théâtre FV112/15. Ils resteront les deux leaders charismatiques du groupe. Borghesia va permettre la structuration de la scène électro-rock dans la capitale slovène en obtenant auprès des autorités municipales la réquisition d’une caserne abandonnée. Ce lieu, le Skuc forum, deviendra une salle de concerts-performances, des locaux de répétition pour des groupes qui pourront y développer l’aspect visuel des performances scéniques. C’est là que Laibach a débuté à l’invitation d’Aldo, même si Borghesia dira se détacher plus tard de l’imagerie nationaliste et autoritariste véhiculée par Laibach, tout en récupérant leur bassiste pour la tournée européenne de 1992.

Fin 1982, Aldo et Dario commencent donc à travailler ensemble. En 1983 ils sont rejoints par Borut Krizisnik, guitariste, avec qui ils forment Novi Rock 1983 pour un unique concert multi-media incluant projecteur de diapos, projecteur super 8, deux magnétoscopes et quatre télévisions. Borut K sera désormais le guitariste de Borghesia.

Les 2 premières productions de Borghesia sont des K7 autoproduites qui sont avant tout des accompagnements musicaux de spectacles de danse : une cassette éponyme en 83 qui sert de fond sonore à une performance chorégraphique dans la galerie Skuc izdaja, puis Clones en 84 qui a la même fonction. En février 1985, leur propre label Jalotjba sort un premier album qui s’intitule Ljubav je ladnija od smrti / Love is colder than death, titre d’album repris quelques années plus tard par Poésie Noire. Cet album est la bande-son d’une performance vidéo de 30 mn également publiée en même temps par Jalotjba. L’année suivante toujours sur ce même label est publié un mini-album, Their Laws, Ours lives (Leurs lois / Nos vies). C’est grâce à cet album que Borghesia fait son entrée sur le devant de la scène EBM: alors qu’Aldo est en vacances à Bruxelles, il va frapper à la porte de PIAS pour quémander une distribution, il laisse le disque en écoute et revient le lendemain. PIAS lui propose alors non seulement la distribution de l’album mais aussi la production des prochains.

 En 1987, le mini-LP 6 titres No hope no fear marque le début d’une collaboration de 6 ans avec le label indépendant belge. Le penchant de ce groupe pour les technologies nouvelles (ils utilisent toujours les dernières génération des logiciels Steinberg pour leurs compositions) transparaît jusque sur la pochette qui est réalisée avec l’alors très moderne Atari 1040ST.

Extrait de No hope, no fear: « Blato » (la boue).                     5’16

Extrait d’Escorts and models : « APR »                                  5’26

A travers les textes des chansons, des déclarations de presse, Borghesia a toujours affirmé un rejet pour l’autoritarisme et le nationalisme, pourtant l’imagerie du groupe a toujours privilégié différentes formes de soumission ou de cœrcition, notamment sexuelle : images sado-masochistes (c’est le cas de la pochette d’Escorts and models dont on vient d’écouter un extrait), fétichistes ou à connotation homosexuelle se retrouvent constamment sur les pochettes du groupe, dans leurs vidéo-clips ou lors des projections scéniques. Le morceau Message sera d’ailleurs édité en 1991 sous une version « Act Up mix ». Aldo J, le crâne rasé et la moustache bien fournie, semble plus échappé des Village People que d’un commando de fusiliers marins, rompant avec l’imagerie para-militaire que cultivaient beaucoup de groupes EBM des années 80. D’autres groupes, comme à;Grumh, s’en inspireront.

1989 marque le sommet de la collaboration Borgesia/PIAS avec la sortie de 2 maxis et d’un album. Le maxi Surveillance and Punishment pose vraiment Borghesia comme un des maîtres d’une EBM grandiloquente et préfigure l’album Résistance, le plus abouti du groupe, qui sortira en fin d’année 89. Entre-temps, un maxi hommage à Sonic Youth (She’s not alone) vient rappeler que Borghesia, comme bon nombre de groupes EBM, a des racines profondément ancrées dans le rock’n roll.

Discipline                                5’06

En 1989, au moment où gronde la guerre civile yougoslave sort l’album Résistance : avec des titres comme message, conflict, rumours, young prisoners, police hour ou discipline, l’ambiance est sombre et plus martiale que jamais. Borghesia passe en tournée en France, aux Transmusicales de Rennes notamment où ils assurent magistralement la première partie d’E. Neubauten, délivrant un show à la fois brutal et dansant.

Mais les années 90 qui s’ouvrent sont aussi celle de la fin de Borghesia : en pleine crise mystique, le chanteur Dario se proclame fils du soleil et s’investit définitivement dans un mouvement pacifiste qu’il avait fondé quelques temps avant l’éclatement de la guerre yougoslave. On ne le reverra plus sur scène. Un nouveau chanteur, Tom Tronton, issu d’un groupe de rock garage vient le remplacer pour l’album Dreamers in Colours qui sort en 1992. Cet album, mis sur bande une première fois pour un spectacle de danse, est réenregistré en juin 91 pendant les bombardements de l’armée fédérale yougoslave, il est d’ailleurs précisé sur la pochette « enregistré en temps de guerre ». Les fans du groupe ne reconnaissent plus le son Borghesia qui se rapprochent d’autres groupes EBM comme A Split Second. La tournée européenne de 1992 est vraiment décevante : plus d’ordinateurs et de synthés sur scène, mais des bandes préenregistrées que viennent accompagner guitare, basse et batterie. Borghesia ressemble désormais à un groupe de rock presque classique, chaud et sensuel, les projections de vidéo SM ayant elles aussi disparues.

Comment s’est effectué cette mutation et quel accueil le public a-t-il fait au nouveau Borghesia ? Tom Tronton et Aldo J nous répondaient lors d’une interview réalisée à Nantes en février 92.

Interview (Nantes, 1992)                                  10’

Extrait de Resistance : « message »               4’57

Extrait de Dreamers in colour : « 400 »           4’37

‘400’ morceau dont une partie des textes a été censurée par MTV donc et dont le titre évoque la distance qui sépare Zagreb de Belgrade.

Cet album Dreamers in colour marque la fin de la collaboration avec le label belge qui ne sortira qu’un autre album Pro Choice sur Jalotjba, en 1995, 10 après l’édition de la K7 Love is colder than death. Et depuis plus de nouvelles de ce groupe slovène. Aldo a probablement rejoint la discothèque qu’il avait ouvert en 1987 et qu’il avait baptisé, de façon peut-être prémonitoire, « C’est la guerre » en français svp.

Borghesia est né autour d’une troupe d’artistes plasticiens et c’est là leur grande originalité : la musique n’a pas toujours été la priorité du groupe qui pensait constamment au mariage image et son, en tentant de nombreuses innovations technologiques lors de leur concert. La plupart de leur performance vidéo sont aujourd’hui archivées au Zank, l’institut culturel slovène.

Extrait Out of nowhere Copulation : « Am I (version 2) »                    4’22